Un arbre mort : un milieu de vie intense

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Durant des centaines d’années parfois, l’arbre procure nourriture aux animaux comme à l’homme (baies et fruits, châtaignes dans nos forêts, etc.), il procure aussi de l’ombre, un abri, du bois pour les charpentes, meubles ou instruments de musique… Il contribue à l’équilibre entre le stockage du carbone et la production d’oxygène, il produit de l’humus, stabilise les sols, limite les effets des précipitations pluviales ou des crues des rivières, etc. Il assure aussi sa descendance naturellement ou par la propagation de ses fruits ou graines grâce aux éléments naturels (vent, eau, etc ) et à divers animaux comme l’écureuil ou le geai qui font provision de glands et de noisettes et qui les oublient…).

Puis un jour l’arbre meurt. Les raisons sont nombreuses, le vent, la foudre, la sécheresse, la pollution de l’air ou de l’eau, ou tout simplement la vieillesse. Certains arbres ou de grosses branches tombent à terre.

Pour nos civilisations actuelles, un arbre mort devient « inutile ». Il n’est plus productif, ni décoratif, il devient synonyme d’un jardin ou d’une forêt mal entretenue, il faut l’abattre et le remplacer.

Et pourtant,

Un arbre mort ne l’est qu’en apparence, il reste encore vivant 10 ans, voire 20 ans (suivant les espèces) après sa mort apparente. Et surtout, il est le gage de la biodiversité dont on parle tant aujourd’hui.

La mort d’un arbre, c’est la fin d’un règne et le début d’une nouvelle vie.

Après la perte de ses feuilles, le bois se dessèche, l’écorce se détache, le pourrissement commence. C’est à ce moment là que l’arbre connaît une agitation fébrile et devient un véritable « immeuble d’habitation» indispensable pour une multitude d’organismes.

Les premiers à coloniser les arbres dépérissants sont les champignons qui vont profiter de l’absence de mécanisme de défense du bois pour s’installer. Microscopiques ou bien visibles, ils vont lentement favoriser la dégradation du bois. Les moisissures s’installent et effectuent un travail indispensable de décomposition de la cellulose, rendant le bois plus friable donc plus facilement assimilable par la seconde vague d’invasion : les insectes. Les trous qu’ils forent dans le bois aident à la pénétration de l’eau, et à l’arrivée de nouveaux micro-organismes.

Coléoptères, papillons, guêpes, vers et larves de toutes sortes, ces organismes xylophages qui se nourrissent du bois jouent par conséquent un rôle important dans le recyclage de la matière organique. Ils contribuent à la fertilité des sols et donc au rajeunissement des espèces.  Certains de ces insectes comme le grand capricorne, la Rosalie des Alpes, le Pique-prune ou le Lucane cerf-volant, qui vivent dans le bois mort ou pourri, bénéficient d’un statut de protection dans notre pays. Le fait d’enlever les arbres morts menacent donc ces espèces. Les larves de ces insectes, véritables boudins de protéines, représentent une ressource alimentaire recherchée par des prédateurs et des parasites souvent spécialisés.

Toutes ces  » protéines  » vivantes vont à leur tour attirer des oiseaux insectivores, des petits mammifères, des batraciens, des reptiles et des lézards pour qui, même en hiver, un arbre mort constitue un véritable garde-manger.

Mais indépendamment ces arbres morts, qu’ils soient sur pied ou au sol, vont aussi être utilisés par toutes ces espèces animales, pour se réfugier, nicher ou stocker leur nourriture.

Les cavités dans les arbres morts sont des abris pour une large biodiversité d’espèces.

Certaines cavités vont se creuser naturellement par le pourrissement mais la majorité des trous seront creusés par les pics (pic vert, pic épeiche, pic noir et le pic épeichette dans nos forêts). Les pics creusent leurs nids dans le tronc d’arbres obligatoirement morts, sinon le bois est trop dur pour l’attaquer. Les trous abandonnés seront alors utilisés par d’autres animaux qu’on appelle « cavernicoles » (qui ont besoin d’une cavité pour nicher et qui ne sont pas capables de la creuser). Ce sont les chauves-souris, martres, chouettes, étourneaux, mésanges, sitelles, grimpereaux, rouges-queues entre autres pour ne citer que ceux de notre forêt. Ces cavités sont indispensables à ces espèces pour se reproduire et élever leurs jeunes.

 

Espèces cavernicoles utilisant les cavités des arbres morts sur pied

D’autres abris sont formés par l’accumulation de bois au sol et ce sont les insectes et la petite faune qui en bénéficient (mulots, lérots, hérissons, batraciens, reptiles, etc…). Dans nos régions, on estime ainsi que 40% des oiseaux forestiers dépendent étroitement des cavités pour se reproduire.

Espèces habitantes des bois morts au sol

Généralement les chances de trouver une cavité augmente avec le diamètre de l’arbre, et donc avec son âge. Pourtant ce sont les arbres qui manquent le plus dans nos forêts, seulement 1 arbre mort par hectare et quelques îlots d’arbres vieillissants. D’une manière générale, on estime que le nombre d’arbres morts et à cavités, à conserver, va de 2 à 3/ha. Pour les chauves-souris forestières 2 à 6 arbres à cavités/ha sont conseillés pour le maintien de populations viables. Nous avons encore des progrès à faire mais les mentalités commencent à évoluer vers la conservation des arbres morts qui bouclent entièrement leur cycle biologique et améliore le fonctionnement de l’écosystème par le recyclage des matières organiques et minérales. Il est maintenant établi que l’arbre mort n’est pas porteur d’agents pathogènes et ne présente donc aucun risque pour le peuplement environnant.

 

L’arbre mort est un gage de biodiversité,

on compte plus d’une centaine d’espèces animales ou végétales qui dépendent du bois mort.

 Pour finir, voici quelques exemples autour de nous :

 En Belgique, le service de la Conservation de la Nature du Ministère de la région Wallonne appose une plaquette à l’effigie d’un pic noir sur le tronc des arbres morts qu’ils conservent (un ou deux par hectare) pour informer le public.

 La Suède, après avoir perdu près d’un tiers des espèces associées au bois mort (oiseaux, insectes…) révise enfin ses pratiques. Elle procède maintenant à l’étêtement des troncs desséchés qui demeureront sur pied en des zones de coupes afin d’assurer le maintien de l’habitat naturel en ces endroits. Plusieurs s’inspireront de ces initiatives, conscients de la vie qui bat en ces arbres morts

 En Finlande, la quantité de bois pourri est considérée comme l’un des meilleurs indicateurs de la biodiversité de la nature. Il est possible d’avoir un impact sur les conditions de vie des espèces forestières en voie de disparition ou exigeantes en augmentant la quantité de bois pourri, ce par un entretien naturel des forêts à exploitation économique, ils estiment à 4 000–5 000 espèces vivantes dépendant du bois pourri, ce qui représente un cinquième de la quantité totale des espèces forestières

Dans le Nord-Ouest canadien, c’est la chouette tachetée du Nord qui disparaît, c’est pourtant leur emblème de la conservation des vieilles forêts. A cause du recul de son habitat, il ne resterait plus que 20 individus au Canada en 2007 — contre 200 en 1991 — ce qui la classe aujourd’hui dans la liste des espèces en voie de disparition.

Au Québec le professeur Drapeau travaille sur la gestion des forêts du Ministère des Ressources naturelles. Il travaille sur deux fronts – l’écologie animale et la fonction biologique du bois mort —, il y défend l’importance de conserver une portion de forêt mature.

En conclusion :

Si nous avons la chance de posséder un jardin, même petit, nous pouvons tous contribuer à la biodiversité , en respectant bien sûr de nombreux conseils en matière d’écologie mais aussi si l’occasion se présente  en conservant un arbre mort . Il suffit de le rendre tout à fait décoratif  en  réduisant les branches de façon harmonieuse puis en laissant pousser une plante grimpante sur son tronc (lierre, capucine, pois de senteur ou autre), ou en accrochant une poterie fleurie dans une fourche etc… et vous verrez des oiseaux passionnants venir le visiter.